Des bulles dans le cerveau

Dans la catégorie: Mind food — kwyxz le 1/02/10 à 1:58

C’est d’un pas ferme et décidé que nous nous rendons au Cinéma Publicis, déjà remontés de n’avoir pu faire partie de l’expédition du jeudi pour cause d’emploi du temps surchargé. Légèrement stressés tout de même: nous ignorons si le passe UGC est accepté et l’idée de payer 10 Euros pour ça nous inquiète quelque peu, et il va s’agir de garder la face en demandant à la caissière nos deux tickets. Planqués derrière un énorme sourire de façade nous demandons nos billets et jouons la carte humour: “Alors, on est les seuls ?” Réponse négative, il y a déjà une personne à l’intérieur qui s’avèrera, selon toute vraisemblance, être une touriste japonaise égarée. Et puis une fois les pubs et les trailers passés (“oh, Wes Anderson sort un film d’animation ! Oh, un nouveau Rin Taro, ça faisait des siècles que j’en avais pas vu”) la lumière s’éteint, et c’est le début.

Le début d’un calvaire d’environ 90 minutes.

Tout commence par deux gags “hommages” tellement appuyés et lourds qu’ils en deviennent presque grossiers. Très très vite le jeu d’acteur de Lagaf révèle ses limites et nous avons chronométré mon premier facepalm à environ quatre minutes. “Mais pourquoi il fait ça ? Pourquoi ?” les plans sans intérêt n’apportant RIEN à l’intrigue et ne servant strictement à rien se succèdent. Ma partenaire d’infortune remarque que les 20 premières minutes du film empilent tellement de clichés que l’on pourrait remplir les archives de la BNF avec. Le commissaire de Police inspiré de Taxi mais encore plus caricatural provoque la pitié lorsque nous découvrons qu’il s’agit de JC, personnage principal du culte Dikkenek

Les mauvaises blagues Carambar fusent (“plus concentré que moi y’a que le lait”, “t’as grillé ma couverture ! – alors prends une couette !”). Le personnage principal, interprèté par Philippe Cura (le gros dur de Caméra Café), a l’air presque aussi effrayé que nous au vu de ce qui est en train de se dérouler (il doit comprendre qu’il est en train de mettre un terme définitif à toute éventuelle carrière cinématographique future). L’histoire est sans aucun intérêt: un agent secret au flingue facile se retrouve malgré lui affublé d’une espèce de tocard animateur du télé-achat lors d’une opération visant à neutraliser une transaction entre gangsters. Félicitations à Bibi Naceri, Chris Nahon et l’anonyme Frédéric B d’avoir accouché d’un truc aussi original. Le montage est catastrophique, les angles de vue hasardeux, toute notion de mise en scène absente: le réalisateur Cyril Sebas s’est déjà illustré en commettant Gomes & Tavares, une pointure. Au terme d’un dialogue d’une rare intensité Lagaf lache la locution suivante:

“Compote de cul et salade de langue”

Nous nous regardons interloqués.

“Compote de cul”

Il a bien dit “compote de cul”. Alors qu’un fou-rire nerveux nous prend, un premier spectateur quitte la salle tandis qu’à l’écran se déroule une frénétique course-poursuite entre deux voiturettes de golf. Vous avez bien lu. Et c’est alors qu’apparaissent les vrais méchants de l’histoire. Afin de facilement les reconnaître ils sont tous habillés en noir et l’un d’entre eux porte un tshirt CCCP. La précision n’est pas inutile vu que le principal méchant parle parfaitement bien le français quand il oublie de simuler un accent russe (les trois quarts du temps). Normal, puisque l’acteur est français (et je découvre à l’instant que nous avons une connaissance commune sur Facebook, je viens de perdre une amie). Sinon il y a aussi Ken Samuels (l’américain de OSS 117 2) qui cachetonne en incarnant un… américain caricatural.

Alors qu’ils s’enfuient nos héros décident de plonger dans un étang de taille relativement modeste à l’eau verdâtre, ce qui n’empêche pas les méchants de les perdre de vue notamment lorsqu’après un facile 300m en apnée ils ressortent hagards. Curieusement pendant cette traversée on a droit à des prises de vue sous-marines montrant des poissons. Jamais les deux fuyards, non, juste des poissons dans une eau bleue comme une camionette EDF, comme s’ils avaient piqué des stocks shots de chez Cousteau histoire de faire genre. Nous commençons à nous liquéfier sur notre fauteuil. Alors que le gros dur mais gentil quand même déclare à une autre gentille qu’en fait il n’est pas prothésiste dentaire, une musique lancinante façon mélo finit de nous achever et je tente de prendre la fuite en rampant sur les coudes. Mais puisque je me devais de rester jusqu’au bout je me hisse péniblement sur mon siège pour assister au clou du spectacle: un final sans queue ni tête, n’ayant ni cohérence ni justification et surtout strictement aucun intérêt. Ce n’est ni drôle ni distrayant, il n’y a aucune once de suspense, ça dégouline de bons sentiments foireux avec les gentilles racailles qui aident les gentils policiers. Plus qu’à subir le générique de fin et nous serons libres !

Alors que nous quittons enfin la salle, le type du cinéma chargé de nettoyer les éventuels détritus laissés par les spectateurs nous demande si c’est si mauvais que ça. Sur le coup les mots me manquent. Le dossier de presse explique: « J’étais à un moment de ma vie professionnelle où j’aspirais à faire autre chose. Ma première idée du film était de mettre en scène un animateur populaire d’access prime time. Tout le monde le prend pour le plus gentil de la Terre mais une fois les projecteurs éteints, l’animateur se transforme en tueur à gages. Je voulais vraiment interpréter un personnage dur, un salaud. Mais on m’a prévenu : “Ça y est toi aussi, tu veux faire ton Tchao Pantin” ». Eh bin je peux vous rassurer, ça n’a RIEN À VOIR avec Tchao Pantin.

Je ne suis pas d’accord avec Nanarland, ce film n’est pas un nanar, un nanar est un mauvais film sympathique, Le Baltringue n’est pas sympathique, c’est une insulte à l’intelligence humaine, dire qu’ils se sont mis à quatre pour écrire un truc pareil, c’est un viol collectif de cerveau d’une heure trente, ce n’est pas drôle, ce n’est pas bien filmé, ce n’est pas bien écrit, ce n’est pas bien joué, ce n’est même pas distrayant, ça n’a d’intérêt que lorsque l’on veut éprouver son échelle de valeurs (un anonyme au pseudonyme avenant de raggal a déclaré vouloir réévaluer tous les films auxquels il a mis 1/10 l’an dernier histoire que ceux-ci aient au final plus que Le Baltringue, c’est dire) et quand bien même, c’est dur, très très dur.

ACHIEVEMENT UNLOCKED: compote de cul.

8 Commentaires

Commentaire de bato

1/2/2010 @ 2:27

Ca me fait penser à ça:

http://imgs.xkcd.com/comics/so_bad_its_worse.png


Commentaire de Xas

1/2/2010 @ 11:10

Ha ouais… C’est pire que Vercingetorix ???

Il aurait du regarder “ShowTime” avant d’écrire ce film…


Pingback de [MAJ] Le nanars du mois : le Baltringue, avec Lagaf’ | Stan et Dam, le blog techno-entertainment de deux alpha-geeks

1/2/2010 @ 14:20

[…] suite à deux autres posts contradictoires essayant de trancher cette épineuse question : nanar ou navet ? J’avais surtout raté que le scénario avait été co-écrit par Chris Nahon (mince quoi, […]


Commentaire de Dam

1/2/2010 @ 14:24

Excellent article… que je me suis permis de relayer dans cette critique de mauvaise foi (avant visionnage) que j’avais fait de ce… enfin, cette chose.
http://www.stanetdam.com/le-nanars-du-mois-le-baltringue-avec-lagaf/


Commentaire de kwyxz

1/2/2010 @ 14:34

Eh bien, content d’avoir pu vous éviter d’avoir à subir cet affligeant spectacle :]


Commentaire de Skinny

1/2/2010 @ 16:35

La vraie gaffe pour Vincent c’est d’être né.


Commentaire de Saki

2/2/2010 @ 22:54

Sans vouloir t’offenser, rien que l’affiche, la bande annonce, et l’acteur principal… Faut être vaguement maso pour aller voir ce film, nan ? C’était un pari -défi ?


Commentaire de kwyxz

3/2/2010 @ 1:36

La réponse à ta question est quasiment dans la première phrase de ce post.


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