Lundi (3)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 12/08/05 à 10:54

Céline s’installa dans le confortable fauteuil de son bureau et essaya de faire le point sur les derniers événements marquants de sa vie professionnelle et affective. Les deux étaient devenues étroitement liées, à son grand regret. Elle avait toujours essayé de séparer le travail des relations amoureuses, mais ce qui se passait en ce moment la dépassait quelque peu.
Deux mois plus tôt, elle était embauchée en tant que nouvelle secrétaire du directeur de cabinet du Ministre de l’Économie et des Finances. À tout juste vingt-trois ans, à peine arrivée de province, décrocher une place à Bercy lui semblait un vrai rêve. Le métier lui plaisait, elle ne connaissait pas grand monde sur Paris mais espèrait en rencontrer rapidement. Son supérieur, Philippe, était extrêmement sympathique et prévenant. Un peu trop peut-être. Un homme remarquable. Énarque, la quarantaine, marié depuis bientôt quinze ans. Deux enfants, une fille de seize ans et un garçon de douze. Plutôt bel homme, sportif, intelligent. Elle était immédiatement tombée sous le charme. Et il l’avait remarqué.
Il y a huit jours, Céline fêtait son anniversaire, il lui avait offert un pendentif qu’elle devinait être hors de prix. Et lui avait déclaré sa flamme. Sous le choc, elle n’avait su quoi lui répondre, mais dès le lendemain elle cédait à ses avances en acceptant un dîner avec lui. Sûr de son charme, il l’avait raccompagnée jusqu’à chez elle, et ils s’étaient embrassés devant la porte, en pleine rue. Il n’essaya même pas de monter avec elle, elle en avait été presque déçue. Durant la nuit, elle pensa à l’épouse trompée et essaya de se convaincre que ce n’était qu’un baiser et rien de plus, que ça n’irait pas plus loin, qu’elle se devait d’être raisonnable.
Le lendemain, il l’appella dans son bureau, lui demanda de verrouiller la porte. Elle se jeta sur lui et lui arracha deux boutons de chemise en tentant de le deshabiller. Il ne résista pas. Ils firent l’amour sur le canapé de cuir noir qui bordait une fenêtre donnant sur la Seine. Cinquante mètres plus bas, les péniches naviguaient tranquillement sur le fleuve endormi.
Ils firent l’amour tous les jours dans le bureau de Philippe, et progressivement plusieurs fois par jour. Le samedi soir, il l’accompagna jusqu’à chez elle et finit par y passer la nuit. Céline s’était inquiètée l’espace d’un instant: et sa femme ? Ne se douterait-elle pas de quelque chose ? Non, l’avait-il rassurée, elle était en week-end avec les enfants chez ses parents.
Ce petit manège durait maintenant depuis une semaine. Céline avait décidé d’arrèter là avant que tout ne fut découvert et qu’un scandale n’entache leurs réputations à tous les deux. Ils avaient un avenir à protèger. Elle voulait gravir les échelons rapidement. Lui, espèrait devenir ministre d’ici une dizaine d’années. Si leur relation était découverte, nul doute que les rumeurs iraient bon train à Bercy et qu’il lui faudrait démissionner. Sans parler de la douleur que ressentirait l’épouse. Et les enfants, si jamais celà se terminait par un divorce. La culpabilité la rongeait, même si elle avait du mal à regretter ce qu’ils avaient fait. Elle attendait, nerveuse, que Philippe arrive. Elle s’était rongé les sangs toute la nuit en appréhendant sa réaction. Sept-heures cinquante-huit. Il allait arriver. Il était toujours à l’heure, précis comme une montre suisse. Elle s’était levée maintenant et allait et venait dans son bureau en réfléchissant à la meilleure façon d’amener le sujet.
Huit heures. Elle se rassit dans son fauteuil. Il passa devant la porte ouverte de son bureau et lui lança un grand “bonjour”, tout sourires, qui accentua encore le malaise de Céline. Elle fit mine de griffoner quelque chose sur un cahier à spirales, arracha la page et la jeta immédiatement à la corbeille. Elle attendait avec angoisse qu’il l’appelle dans son bureau. Vendredi dernier, ils avaient fait l’amour six fois dans la journée. Peut-être aurait-il envie de battre le record.
Son téléphone sonna. Elle décrocha en tremblant, voyant le nom “Philippe” écrit en toutes lettres sur l’afficheur. Il lui demanda de le rejoindre. À sa voix, elle put l’imaginer le sourire aux lèvres. Elle se leva, traversa le couloir long de dix mètres et pénètra dans le confortable bureau du directeur de cabinet du Ministre. Elle jeta un oeil au canapé en cuir, lieu de leurs ébats coupables. Il la regarda en souriant et lui demanda de fermer la porte.
Elle eut le temps de se dire que sa carrière allait en prendre un coup.
Mais elle n’eut pas le temps de prendre la parole.
Elle n’eut pas le temps de voir les vitres du bureau voler en éclats.
Elle n’eut pas le temps de voir les restes de l’immeuble pulvérisé s’effondrer dans la Seine.
Elle n’eut pas le temps de voir le Monde devenir subitement intensément lumineux et brûlant, comme si dix mille soleils venaient de percuter la Terre de plein fouet.
Et tout fut terminé.

(à suivre)

11 Commentaires

Commentaire de Doudou

12/8/2005 @ 11:44

La suite, la suite!!!


Commentaire de EmKi

12/8/2005 @ 12:10

Pour l’avancement de Céline, on dirait que c’est foutu.


Commentaire de wam

12/8/2005 @ 12:29

10 000 soleils c’est du ludwig von 88 ça ! ouuuuh
marrant ton blog, j’aime.


Commentaire de Ben Kenobi

12/8/2005 @ 14:06

Un mot : Excellent !

Tu prends ton inspiration où ?


Commentaire de choda

12/8/2005 @ 14:10

Doudou : ha toi, dès qu’il y a du cul, hein !

Ben Kenobi : ‘tention, vil usurpateur, c’est assurément un coup à ce qu’il te réponde “dans ton cul”.

Allons nous sortir des trames classiques du suspens fantastique qui consiste à faire 3 premiers épisodes similaires, et à commencer à expliquer à partir du 8è ?


Commentaire de ana

12/8/2005 @ 14:23

Et tout fut terminé… et c’est là que ça commence… vivement la suite :)


Commentaire de kwyxz

12/8/2005 @ 16:08

Merci tout le monde pour les encouragements !

Doudou: mardi prochain, normalement, la suite.

Wam: Ludwig \o/

Ben Kenobi: cf. la réponse de Choda !

Choda: pas bête d’expliquer à partir du 8ème. Mais non, je vais expliquer plus tôt. Bientôt… et ce n’est pas du fantastique, tout juste de l’anticipation.


Commentaire de Ben Kenobi

13/8/2005 @ 0:23

Je le savais !! :D


Commentaire de Doudou

15/8/2005 @ 22:28

Yes !!!
Vivement demain… et je tiens à dire: c’est fort cette manière d’écrire, on a plus qu’envie de savoir!
Bravo!

Choda: =p comment ça dès qu’il y a du cul… ;-)


Commentaire de seb4771

16/8/2005 @ 9:50

Fallait prendre l’autre pillule et prendre le lapin, je l’avait dit pourtant :)


Commentaire de Nico

29/8/2005 @ 0:55

C’est une idée ou cette explosion s’accaompagne d’un “where is my mind des pixies” genre Fight Club?
tss, les jeunes de nos jours


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