Lundi (2)

Dans la catégorie: Écrits — kwyxz le 11/08/05 à 12:30

La relève venait d’arriver, et Robert allait maintenant rentrer chez lui. Il assurait le gardiennage de nuit d’une tour du quartier de la Défense. Vingt-deux heures trente, sept heures trente, des horaires lui interdisant toute vie sociale. Robert était divorcé depuis maintenant neuf ans et n’avait jamais cherché à refaire sa vie. Il savait pertinemment qu’aucune femme ne supporterait ce mode de vie qui avait poussé Madeleine à le quitter, emmenant avec elle leurs deux enfants.
Djamal était arrivé dix minutes en avance pour le remplacer. Ils avaient discuté autour d’un café. Quand ils discutaient tous les deux, Robert se disait que finalement il n’avait pas trop à se plaindre. Réfugié politique depuis que l’armée avait pris le pouvoir en Tunisie suite à l’assassinat du roi deux années plus tôt, Djamal avait eu toutes les peines du monde à obtenir un titre de séjour. Le gouvernement français avait fait traîner le dossier pendant des mois, interdisant à Djamal toute couverture sociale, tout revenu, et tout toit. Il avait galèré, de petit boulot en petit boulot, dormant occasionnellement dans de vieux immeubles occupés par les squatters, trouvant refuge sous la chaleur d’une couverture moisie, risquant à chaque instant la morsure d’un rat qui crierait famine. Et puis finalement, grace à l’aide d’un autre réfugié, Malekh installé depuis longtemps et marié avec une française, Djamal avait obtenu sa carte de séjour. Malekh lui avait même dégotté cet emploi de gardiennage à La Défense.
Robert avait proposé une cigarette à Djamal, que celui-ci a poliment décliné. Devant l’étonnement de Robert, il lui avait expliqué qu’il avait une relation avec une femme un peu plus agée que lui, qui avait un enfant en bas âge et qu’il avait décidé d’arrêter de fumer pour lui. Robert n’arrivait pas à donner un âge à son collègue. La trentaine, peut-être ? Pas une mauvaise idée d’arrèter de fumer. Après avoir échangé leurs pronostics sur le résultat du match de l’équipe de France du soir ainsi qu’une poignée de main, Robert prit congé. Il se dirigea vers le parking, au niveau -3 de l’imposante tour. D’un clic, il ouvrit les portes de sa voiture et se faufila à l’intérieur. Une petite demie-heure de route pour rejoindre son domicile et enfin dormir. Sept heures cinquante-et-un. Au plus tard, dans une heure il rejoignait les bras de Morphée et cette perspective l’enchantait: la nuit avait été particulièrement ennuyeuse.
Le hurlement d’une voiture qui freine. Le choc à l’arrière. Robert roulait déjà depuis quelques temps sur le périphérique sud en direction de la porte de Vincennes quand une voiture allemande avait décidé de le doubler. Elle s’était décalée sur la file de gauche, constatant un peu tard que celle-ci était obstruée par un embouteillage. De justesse, elle s’était rabattue sur la file de droite, mais malgré une solide pression sur la pédale de frein, venait de percuter la voiture de Robert. Les deux véhicules roulèrent quelques mètres encore jusqu’à une aire de stationnement, et les deux conducteurs sortirent du véhicule.
Robert resta sans voix devant la beauté de la jeune femme brune qui venait d’emboutir l’arrière de son vieux break. Il jeta un oeil à sa montre en sortant les papiers pour le constat. Heure de l’accident: huit heures et quatre minutes.
Il se retrouva bien embêté quand la jeune brune lui fit comprendre qu’elle ne parlait qu’allemand et anglais. Il tenta de bredouiller quelques mots en anglais pour expliquer qu’il fallait remplir un constat. Le vrombissement des voitures sur le périphérique était assourdissant, et le soleil commençait déjà à cogner.
Et tout fut terminé.

(à suivre)

5 Commentaires

Commentaire de ana

11/8/2005 @ 14:25

On cherche le lien avec le précédent… ?


Commentaire de rom1

11/8/2005 @ 14:57

C’est bien écrit . La suite pour bientot ? Pas compris le commentaire de Choda sur le second texte…


Commentaire de kwyxz

11/8/2005 @ 15:03

ana: le lien est dans la dernière phrase :-)

rom1: La suite viendra, don’t worry. Pour comprendre le commentaire de Choda, il te faudra aller voir ce film ou lire le bouquin du même titre. Par contre, le 2nd texte c’est celui-ci ! L’autre c’est le premier texte, regarde la date de publication sous le titre.


Commentaire de choda

12/8/2005 @ 0:32

Et dire que je me suis retenu de dire à Ana un trop évident : “la dernière phrase ?”


Pingback de Un plancton dans l’espace » Peur.

17/8/2005 @ 17:53

[…] Mais bon, comme les pens??©es sombres aiment bien se tenir chaud deux par deux, j’ai trouv??© que ??§a collait bien avec ce qui m’a fait chialer ce matin devant mon ??©cran. Vous comprendrez mieux apr??šs avoir lu les textes admirables Lundi (1), (2), (3), (4) et (5) que kwyxz nous a offerts ces derniers jours. […]


Flux RSS des commentaires de ce post •

Sorry, the comment form is closed at this time.